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Evangelium vitae : la base de la culture de vie

Trente ans après sa parution, Evangelium Vitae reste un texte prophétique. Publiée en 1995 par Jean-Paul II dans un contexte marqué par la banalisation de l'avortement et l'émergence de l'euthanasie, cette encyclique demeure la charte fondamentale de l'Église catholique sur le respect de la vie. Fruit d'une collaboration inédite avec les évêques du monde entier, ce texte ne se contente pas de condamner la " culture de mort " ; il appelle avec une autorité rare à bâtir une véritable civilisation de l'amour, fondée sur la sacralité de toute existence humaine, de sa conception à son terme naturel.
Mise à jour : 25/11/2025 Temps de lecture : 4 min Proposer un article

Publiée en 1995 par le pape Jean-Paul II, l’encyclique Evangelium Vitae est un texte absolument prophétique avec une place à part dans le corpus de l’Eglise. Sur la question du respect de la vie et de tous les sujets qui l’entourent, c’est le texte incontournable. Si l’on devait résumer son originalité, celle-ci tiendrait dans le concept de “culture de vie”. Plutôt que de se limiter à une liste de condamnations, Jean-Paul II pose les bases d’une société fondée sur le respect de la vie.

De fait, cette encyclique est devenue le texte de référence pour l’Eglise sur la question du respect de la vie et c’est, en outre, le texte le plus long publié sur le sujet. Cet encyclique est le fruit d’une longue réflexion menée par Jean-Paul II, mais aussi par les évêques qu’il avait sollicité, dès 1991, pour l’aider dans l’écriture de l’encyclique.

Au moment de la rédaction de l’encyclique, l’IVG avait déjà été légalisée dans les années 1970 dans un certain nombre de grands pays occidentaux (France en 1975, États-Unis en 1973…) et semblait s’être installée profondément dans les mœurs, tandis que le débat sur l’euthanasie apparaissait lui aussi dans les sociétés occidentales. Pour répondre à ces enjeux cruciaux, Jean-Paul II voulut publier un texte profond et percutant ayant une autorité forte.

En reprenant des thèmes qu’il avait déjà formulé de façon éparse, le pape Jean-Paul II décida de pousser plus loin l’enseignement de l’Eglise en développant une théologie de la vie et en intégrant la critique de l’avortement dans une réflexion plus large sur la “culture de mort” et l’appel à bâtir une “culture de vie”. De fait, Evangelium vitae (1995) n’est pas la première encyclique qui traite de l’avortement. En revanche c’est la première encyclique entièrement consacrée à la valeur de la vie humaine et aux menaces contemporaines contre elle (dont l’avortement et l’euthanasie).

Quelles sont les richesses et les spécificités de cette encyclique et son apport essentiel dans l’enseignement de l’Eglise ?


Qu’est-ce qu’une encyclique ?

Une encyclique est une lettre solennelle adressée par le pape aux évêques (et plus largement aux fidèles) sur un point de doctrine, de morale ou de discipline. La majorité des encycliques proposent des enseignements, rappellent la tradition, appliquent la doctrine à des circonstances nouvelles. Elle fait partie de ce que l’on appelle le magistère ordinaire du pape et à ce titre, elles exigent respect, assentiment religieux et obéissance, mais ne sont pas forcément des actes infaillibles. C’est le type de texte qui possède la plus haute autorité, hormis les déclarations dogmatiques (Assomption de la Vierge Marie par exemple), qui engagent l’infaillibilité pontificale.


Comment situer Evangelium Vitae par rapport aux autres textes de l’Eglise ?

Avant Evangelium vitae, d’autres encycliques se sont prononcées sur l’IVG.

  • Pie XI, Casti Connubii (1930) : encyclique sur le mariage chrétien. Elle condamne clairement l’avortement, la contraception et la stérilisation, au nom de la loi naturelle et du respect de la vie.
  • Pie XII (allocutions, non encycliques) : interventions nombreuses dans les années 1940–50 sur la défense de la vie dès la conception, par exemple dans ses discours aux médecins et aux sages-femmes.
  • Paul VI, Humanae vitae (1968) : encyclique surtout sur la régulation des naissances et la contraception, mais qui contient aussi un rappel ferme contre l’avortement.

Une encyclique collégiale 

La première spécificité de cette encyclique, c’est peut-être son caractère collégiale. En effet, habituellement, une encyclique est, nous l’avons dit, une lettre adressée aux évêques et aux fidèles de la part du pape. Or, dans ce cas précis, Jean-Paul II avait sollicité la collaboration des évêques du monde entier dans une lettre qu’il leur a adressée en 1991. C’est donc dans un esprit de collégialité, similaire à ce que peut être un concile, que cette encyclique a été rédigée, ce qui lui confère une autorité renforcée.

Mais Jean-Paul II a voulu aller encore plus loin, signe de l’urgence qu’il percevait sur le sujet de la vie.


Le statut particulier de Evangelium vitae et la question de l’infaillibilité pontificale

D’après le concile Vatican I (Pastor Aeternus, 1870), le pape est infaillible seulement si :

  1. Il s’exprime en tant que pasteur et docteur suprême de tous les chrétiens (ex cathedra).
  2. Il définit une doctrine concernant la foi ou les mœurs.
  3. Il proclame clairement que cette doctrine doit être tenue par toute l’Église.

Cela n’arrive que très rarement (ex. : l’Immaculée Conception en 1854, l’Assomption en 1950).

Mais, dans Evangelium vitae, Jean-Paul II utilise une formulation particulièrement solennelle pour certains points (notamment l’avortement et l’euthanasie aux paragraphes 62-63).

  • Il n’emploie pas la formule ex cathedra, mais il rappelle que ces enseignements relèvent déjà de l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel (c’est-à-dire l’enseignement constant et unanime des évêques en union avec le pape).
  • Ainsi, au paragraphe 62 :« C’est pourquoi, avec l’autorité conférée par le Christ à Pierre et à ses successeurs, en communion avec les Evêques je déclare que l’avortement direct, c’est-à-dire voulu comme fin ou comme moyen, constitue toujours un désordre moral grave, en tant que meurtre délibéré d’un être humain innocent. »

Donc : Evangelium vitae n’est pas une encyclique “infaillible” en bloc, mais certaines affirmations (notamment sur l’avortement et l’euthanasie) engagent l’infaillibilité du magistère ordinaire universel, confirmée par l’autorité du pape. Ce texte possède donc une haute autorité dans l’enseignement de l’Eglise.

Ce texte a donc un statut à part, mais si l’on regarde précisément son contenu en lui-même, que nous dit-il et quelle est sa spécificité ?


Originalité et intérêt de l’encyclique Evangelium vitae

Son propos dépasse le cadre habituel des textes pontificaux en articulant un diagnostic culturel, une annonce théologique et une exhortation pastorale autour d’un thème central : la valeur inviolable et sacrée de la vie humaine.


Le titre : que signifie l’Evangile de la Vie ?

Le titre Evangelium vitae (L’Évangile de la vie) reflète la vision théologique et pastorale de Jean-Paul II. En associant l’Évangile à la vie humaine, le pape rappelle que la défense de la vie n’est pas seulement une exigence morale ou sociale, mais un don divin central dans le message chrétien. Inspiré par des passages bibliques tels que « Jésus est venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10), le titre souligne que chaque vie humaine est sacrée et participe à la vie divine. Il indique également la portée positive et missionnaire de l’encyclique : proclamer la « Bonne Nouvelle » de la vie, appeler les chrétiens à devenir un « peuple de la vie et pour la vie » (EV n° 78), et promouvoir une culture de la vie fondée sur la dignité, le respect et la solidarité.


Les trois thèmes clés de l’encyclique : 

a. La dignité inviolable de la vie humaine

Au cœur de Evangelium Vitae se trouve l’affirmation de la dignité inviolable de toute vie humaine, depuis la conception jusqu’à la mort naturelle. Jean-Paul II rappelle que la vie « est toujours un bien » (n° 34), non pas en raison de sa fonctionnalité ou de son utilité sociale, mais parce qu’elle est don de Dieu et reflet de son image. De ce principe découle la condamnation ferme de l’avortement et de l’euthanasie. Le pape déclare avec une solennité forte : « L’avortement direct (…) constitue toujours un désordre moral grave » (n° 62) et, de même, « l’euthanasie est une grave violation de la Loi de Dieu » (n° 65). Ces condamnations ne sont pas de simples prises de position personnelles : elles relèvent de l’enseignement constant du magistère ordinaire et universel, enraciné dans l’Écriture et la Tradition. En ce sens, l’encyclique réaffirme que le droit à la vie est le premier des droits humains, socle de toute justice et de toute société.


b. Le conflit entre la “culture de la vie” et la “culture de la mort”

Un des apports les plus efficaces de l’encyclique est l’analyse culturelle de notre époque. Jean-Paul II diagnostique que « nous nous trouvons en face d’un affrontement rude et dramatique entre le mal et le bien, entre la mort et la vie, entre la « culture de mort » et la « culture de vie » » (n° 28). La « culture de mort » s’exprime dans des logiques sociales et politiques où la valeur d’une personne dépend de sa force, de sa santé ou de son utilité : on légitime l’avortement ou l’euthanasie comme des « droits », en falsifiant même le langage (« santé reproductive », « mort douce », cf. n° 23) alors qu’elle favorise l’élimination des plus faibles. À l’inverse, la « culture de vie » repose sur la solidarité et la reconnaissance de chaque existence comme un don. En introduisant cette opposition, l’encyclique ne se contente pas de dénoncer : elle propose une véritable grille de lecture culturelle et politique, qui permet de comprendre que la défense de la vie dépasse le domaine strictement religieux pour devenir un enjeu de civilisation.


c. “Le peuple de la vie et pour la vie”

Enfin, Evangelium Vitae ne se limite pas à un diagnostic moral et culturel : elle lance un appel mobilisateur. L’Église, affirme Jean-Paul II, « est appelée à être le peuple de la vie et pour la vie » (n° 78). Cette mission comporte trois dimensions : l’annonce, par l’éducation et la formation des consciences (n° 82) ; la célébration, à travers les sacrements, qui révèlent le sens de la vie humaine comme don (n° 86–87) ; et le service, par l’engagement concret auprès des familles, des femmes en difficulté, et dans le domaine politique pour promouvoir des lois justes (n° 90–95). Le pape adresse aussi un mot particulier aux femmes ayant avorté : « Le Père de toute miséricorde vous attend pour vous offrir son pardon et sa paix » (n° 99). Ce passage montre que l’Évangile de la vie est inséparable de l’Évangile de la miséricorde. Ainsi, l’encyclique appelle à construire une véritable « civilisation de la vérité et de l’amour » (n° 105), où le respect et la promotion de la vie deviennent la tâche commune de toute l’humanité.


Conclusion : Une boussole pour le XXIe siècle

Trente ans après sa promulgation, Evangelium Vitae n’a rien perdu de sa force ni de son acuité. Au contraire, dans un monde où les frontières de la bioéthique sont de plus en plus floues — des débats sur la fin de vie au transhumanisme —, cette encyclique est la pierre angulaire de l’enseignement moral de l’Église et un phare pour toutes les bonnes volontés qui cherchent des repères pour faire face à ces enjeux. Elle ne se contente pas de poser des interdits ; elle offre une vision anthropologique lumineuse, rappelant que la mesure de toute société réside dans sa capacité à prendre soin de ses membres les plus fragiles.

Plus qu’un document doctrinal, ce texte est un appel au sursaut des consciences. En refermant les pages de cette encyclique, le lecteur comprend que l’opposition à la « culture de mort » n’est pas un combat d’arrière-garde, mais une affirmation audacieuse de l’espérance. Comme le soulignait Jean-Paul II, il s’agit, de poser les fondations de la « civilisation de l’amour », seule capable de donner un avenir à l’humanité.


Pour entrer dans le texte : 

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